Tizi-ouzou, 31 oct 2009 (bms) - Kabylie News et Bouzeguene News vous présentent ici sous forme de document une synthèse du nouvel ouvrage »Récits et témoignages » de M.Amar Azouaoui, Secrétaire au PC de la Wilaya 3 historique »L’opération «Jumelles» Le Déluge en Kabylie ».
L’auteur est annoncé pour dimanche à la foire du Livre d’Algér pour dédicacer son ouvrage au stand des éditions El Amel qui le publie et le distribue.
« Jumelles »
Trancherait en Kabylie, point névralgique le plus dominant du terrain de combat, sur le devenir de la guerre d’Algérie, en effervescence depuis plus de quatre années.
Depuis 1956, les événements d’Algérie prenaient largement la forme d’une guerre généralisée et la 4éme République Française commence à sentir lourdement ses effets et son poids. Les combats se succédaient et prenaient de l’ampleur. Des algériens dignes de ce nom sont bel et bien à pied d’œuvre et rien ne les arrête. La promesse de mettre un terme à cette guerre que la France qualifie »d’événements » met la 4éme République devant un dilemme qui tardait à satisfaire son engagement, d’où la pression de généraux et un certain remous au sein du gouvernement et du peuple français.
L’arrivée de De Gaulle au pouvoir en 1958, devant la pression qui montait décida, en tant que premier citoyen, de trancher et choisit le point névralgique de la guerre pour frapper fort militairement. C’était sur le centre Nord de l’Algérie, notamment « la Kabylie », le terrain le plus dominant du combat de libération qu’il avait décidé de jouer sa dernière carte.
C’était la région ou doit s’afficher désormais fortement l’action militaire et psychologique, et aussi le recours à la pacification. En un mot, le devenir de la guerre et de d’Algérie en dépendra. « Jumelles »
- C’était le glaive bien aiguisé de la dernière chance, dont dispose le général De Gaulle, pour essayer de maintenir l’Algérie Française.
Le Général De Gaulle tenta sa dernière chance et essaya de régler ce problème épineux.
- Après La réorganisation de l’armée et la désignation à sa tête de généraux réticents pour l’Algérie Française tels que : Challe, qu’il nomma, commandant en chef, assisté de Jouhaud, Salan, Zeller, et plusieurs autres, à l’effet de les mettre au devant de leur responsabilité.
– Le renforcement par l’O .T.A.N, et la modernisation de son équipement y compris l’armement non conventionné tels que : le napalm, le gaz-asphyxiant etc., venu s’additionner aux effets de la bombe atomique qui avait laissé déjà, des séquelles pervers à Reggan dans le grand Sud.
Le général Challe, dès sa nomination, élabora alors le programme d’action spécifique, qu’il appellera « l’opération Challe ». Lui donna un caractère général qui s’étalera sur un ensemble d’opérations militaires secondaires qui seront réparties à travers le pays et identifiées sous les noms : de Couronnes, de cigale, de courroie, de Jumelles, de Trident, de Pierres précieuses, de Rubis et de flammèches, minutieusement réparties à travers les points stratégiques de différentes wilayets.
Au total, il éleva à 580.000 hommes, le chiffre d’engager dans la guerre d’Algérie pour écraser l’ALN.
Cette impressionnante opération dite « Challe », avait démarré par les éléments des opérations secondaires « couronne » de l’ouest algérien, à partir de l’Oranais (Saïda) en Wilaya 5, dès le début de l’année 1959, pour entraîner leurs troupes, terrain plus approprié, disait-il. Vient ensuite l’opération secondaire « courroie » vers l’Algérois et l’Ouarsenis sur la wilaya 4, où elle se heurta à de grandes résistances. Puis « étincelles », sur les plateaux de Hodna ; le parcours des compagnies d’acheminement d’armes à partir de la Tunisie vers le centre du pays, fin de leur barrer la route éventuellement.
Après avoir survolé ces wilayets s’attaquer enfin à la wilaya 3, comprenant : Boumerdés, Tizi-Ouzou, Bejaia, Bouira, Bordj-Bou-Arreridj, M’sila et Sétif, spécialement visée. Le Général Challe, regroupera alors pratiquement le gros des forces de l’opération « Challe », pour livrer un combat armé et psychologique, sans précédant pour acquérir la victoire finale dès le 22 juillet 1959. C’était l’opération « Jumelles ».
Dès les premiers jours, le général Challe, et son Etat-major s’installaient au col de Chellata à 1700 mètres d’altitude, dans le fin fond des monts du Djurdjura. Il le désigna sous le nom de Poste de Commandement « Artois ».
Une antenne avait été mise en place, en pleine forêt de l’Akfadou, au service du 2émé Bureau (bureau de renseignements) où l’ensemble des ex-membres et officiers de l’Armée Libération Nationale, retournés, étaient chargés, de suivre les événements discrètement.. Le dispositif semblait parfait et prêt à entrer en action sur le terrain.
« Jumelles »
- C’était le génocide et l’horreur et aussi l’échec de la France. C’était un impressionnant dispositif sans âme et sans résultats. Le peuple était fermement engagé à vaincre ou mourir.
Le 22 juillet 1959, des parachutages de troupes sur le sommet de l’Akfadou, puis vers Bejaia et Cap-Sigli et autres points à travers la wilaya 3, avaient été effectués le même jour. Tous les points stratégiques étaient envahis de troupes par hélicoptères et étaient immédiatement entrées en action, notamment sur les hauteurs de Thamgout, du Djurdjura, de Bouira, de la vallée de la Soummam, et ensuite vers l’Est, Bordj-Bou-Arreridj, M’Sila, etc. Des Avions « Bananes et Sikorskis» de transport atterrissaient et décollaient sans cesse. Des chars, des auto-blindés, des camions et jeeps circulaient dans tous les sens. Tout paraissait parfaitement, rodé et bien huiler.
Des navires de guerre, au large des côtes, sont de la partie et pilonnaient, la forêt de Bounamane, de l’Akfadou jusqu’à Kerrata et Djidjel etc. Débarquaient des troupes de la marine « des dragon verts », de Dellys vers Mizrana, Azzefoun vers Bounamane, et de Cap-Sigli vers Tychi et Kerrata etc
Le rouleau compresseur de l’opération « jumelles » avançait au fur et à mesure. Les premiers à se heurter à cette horde sauvage, c’étaient les civils, aux abords des villages où ils tiraient dans le tas, sans sommation, puis les Moussebline, qui vendaient chèrement leur peau. L’ALN faisait parvenir ses instructions à ces structures tant bien que mal, les agents de liaisons étaient les premiers visés, pris en chasse, la plus part tombèrent très vite dans des embuscades. En quelques jours, des centaines étaient tombées au champ d’honneur.
Dans les forêts et attenants, les unités de l’Armée de Libération Nationale accrochaient l’ennemi au fur et à mesure. Les dégâts furent très importants. Les Djounouds se donnèrent le mot d’ordre « vendre chèrement sa peau et lutter courageusement jusqu’à la dernière cartouche ». C’était des carnages à chacun des accrochages que l’armée française n’est pas prête d’oublier. Les pertes laissées à chaque fois sur les lieux de combat étaient souvent importantes, mais l’ennemi en laissait trois ou quatre fois plus.
Les jeunes appelés de l’armée française, qui se heurtaient pour la première fois à la guérilla, payaient chèrement de leur vie ce lourd tribu.
Le napalm (arme non conventionnée) noircit et brûle toutes les crêtes et le feu se propageait dans la nature, au gré des vents, les flammes animées par une saison propice, le mois de juillet. Des corps calcinés et raides gisaient sous les cendres et les flammes, que l’on ne peut identifier, que l’on ne peut que confondre, avec des troncs d’arbres ayant la même apparence.
Le va et vient des bombardiers d’appui, B.26 et T.6, passaient pour nettoyer le terrain, avant le largage des troupes. Ce vacarme, va durer pendant des mois, des milliers d’heures de vol chaque jour, seront effectuées.
Certains Postes de commandements, des caches de ravitaillement et armement stocké par manque de munitions étaient vite découverts. Certains PC étaient déjà vides et brûlés purement et simplement. L’armée coloniale était alors excitée et s’acharnait davantage sur ce genre de découverte.
Des infirmeries sous terre avaient été assiégées et avaient subits des massacres. Les malades, les infirmiers et autres occupants avaient été tués, par balles, grenades ou par gaz lacrymogène, d’autres faits prisonniers. Certains avaient été abattus sur le champ, d’autres transférés après les tortures d’usage vers les prisons.
Mêmes les grottes situées aux sommets des montagnes pratiquement inaccessibles n’étaient pas épargnées. Pour certaines grottes l’armée avait dû faire recours aux moyens spécifiques, tel que le Gaz asphyxiant, (interdits par les conventions internationales). D’autres étaient carrément cimentées pour en faire les tombes des occupants.
C’était à ce moment là, que nous perdîmes l’un après l’autre ces valeureux officiers supérieurs, laissant le colonel Si Mohand Oulhadj pratiquement seul aux commandes fasse à l’ennemi et à l’opération « Jumelles » et ses diverses phases et intrigues.
Les pertes occasionnées en quelques mois, étaient effarantes parmi les cadres, notamment, ceux du 1er novembre 1954, membres du conseil de wilaya. Ils étaient presque tous tombés au champ d’honneur, durant cette période infernale : le capitaine Si Mohand Salah Maghni dit « Si Abdellah Ibeskrien » chef de la zone 3, le
commandant Ali Benour dit « Ali Moh N’Ali », le commandant Abderamane Mira, le capitaine Rabah Krim, chef de la zone 4, le capitaine Arab Oudek, arrêté, puis exécuté, Zone 2, le capitaine Mohand Said Ouzzefoun, chef de la zone 2.
Ils étaient nombreux les Martyrs pour en faire le récit. Sept mille cinq cent (7.5OO) Chahids étaient morts sur 12.000 combattants dans cette opération uniquement en wilaya 3. Chacun d’eux était une histoire analogue à celle de ces chefs, si ce n’était pire.
L’action psychologique n’était pas écartée, elle occupe une place prépondérante. Les services du 2 éme bureau français avaient déjà lancé par intermédiaires de deux ou trois officiers de l’Armée de Libération Nationale, qu’ils avaient pu contacter en zone 2, l’idée « d’officiers libres » au sein de l’ALN, pour se détacher des responsables de la wilaya, le colonel Si Mohand Oulhadj, le commandant Mira et H’Mimi, qu’ils avaient essayé de discréditer, prêchant de nombreux problèmes.
Ces ratissages terminés, c’était le moment d’engager les représailles envers les populations en guise de l’affront subit par l’ALN dans les combats : la torture, la violence sans distinction d’âges et de sexes, perpétrant le viol à outrance, allant jusqu’à éventrer des femmes enceintes, aux pieds du Djurdjura, pour le plaisir de savoir se qu’elles portaient (garçons ou filles). Dans beaucoup de villages, ils terminaient la scène en présence de tous, par des assassinats collectifs parfois au hasard. Le but c’était de les faire craquer et de les faire soumettre au dictat de la France coloniale.
Le génocide continue. L’arrestation de certaines personnes spécialement visées et identifiées parmi les populations était opérée. Ils les dirigeaient sur le champ par hélicoptère spécial sur l’Annexe du Poste de Commandement situé dans l’Akfadou, où parfois sur le centre de lavage de cerveau, de Ksar Tir à Sétif.
Les morts se multipliaient par centaines, puis par milliers. À travers d’innombrables actions qui ne se compter plus, et les génocides sur tout le territoire de la wilaya 3, à Sétif, Bordj Bou Arreridj, M’Sila, Bouira, Bedjaïa, Boumerdés et Tizi-Ouzou. Partout c’était l’horreur, c’était, le déluge, le massacre inédit en wilaya 3. Le télégramme-alerte du 1 janvier 1960 adressé par le colonel Si Mohand Oulhadj à l’extérieur, le précise bien.
C’était un cri d’alerte au génocide.
Enfin, les ratissages dans les montagnes et forets, dans le cadre de l’opération « Jumelles », étaient jugés caducs et inefficaces. L’armée française y met fin et se dirige pour les représailles vers les villages, notamment ceux qui soutiennent le FLN et redéploye ses forces principalement sur deux actions principales.
a)- La première : toujours en direction de l’ALN. - Il était désormais mis en place, en substitution de ratissages, des commandos de chasse, constitués et renforcés, par des harkis, chargés quotidiennement de patrouiller et de continuer à harceler l’Armée de Libération Nationale.
b)- La seconde : vers les populations des villages. – Dans le cadre de la pacification manu-militari, sauvage et inhumaine avec tous les aléas que cela comportait (occupation de tous les villages par des postes militaires, barbelés, autodéfense, contrôle du ravitaillement etc.).
« Jumelles »
– La noblesse française oblige. On s’assoit à la table de négociations. L’on tente d’effacer les traces amères de la 4 éme République. L’on préserve celles de la 5éme. Et l’on respire enfin.
De Gaulle prenait acte finalement de l’échec de l’armée et ses généraux et prononça pour la première fois le 4 novembre 1960 le mot «République Algérienne»
La France s’assoie au tour de la table de négociation avec le Front de Libération National, malgré la dissidence des généraux et une partie de l’armée et veille à préserver la 5 éme République et la France, l’Algérie désormais est indépendante.
L’0.A.S (Organisation de l’Armée Secrète) a était décimée et les généraux dissidents étaient condamnés.
Amar Aazouaoui
Secrétaire du PC de la Wilaya 3
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